Des débuts contrariés : la prohibition 1686-1759
L’ampleur de la vogue des cotonnades indiennes crée un marché prometteur que les Compagnie des Indes ne parviennent plus à satisfaire. La tentation est grande de contrefaire en Europe les cotonnades aux riches décors. Dans les années 1640, des marchands arméniens introduisent à Marseille les techniques indiennes : c’est le point de départ de l’impression européenne. Bientôt, l’Angleterre (v.1670) et les Pays-Bas (1678) installent leurs premières manufactures. En France, l’essor est vite brisé. Le succès des premiers indienneurs les met en concurrence trop directe avec les lainiers et les soyeux qui protestent vigoureusement. Pour protéger ces activités bien implantées et fortement exportatrices, le pouvoir royal ordonne en 1686 l’interdiction d’importation, fabrication et usage des toiles imprimées ou peintes.
Malgré les sanctions-amendes, emprisonnement, bannissement, la mode des indiennes ne cesse de croître. Face à une telle résistance, les mesures s’assouplissent peu à peu. En 1759, l’indiennage redevient libre dans le royaume de France. De multiples foyers surgissent alors un peu partout, entre cinq pôles majeurs de production : Nantes, Paris, Marseille, Lyon, Rouen. Mulhouse, cité indépendante jusqu’en 1798, pratique l’indiennage depuis 1746. L’Europe toute entière s’est alors lancée dans l’aventure. La Suisse, l’Angleterre, les Pays-Bas sont les foyers majeurs d’un marché en pleine expansion.
Au XVIIIe siècle, le dessinateur est le personnage clé de l’impression textile. Les manufacturiers font appel à des artistes, peintres de fleur surtout, choisis pour leur talent à créer des harmonies décoratives, qui adaptent leur art aux exigences industrielles. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le nombre de genre reste assez restreint : motifs copiés d’indiennes d’Orient, fleurettes, motifs géométriques et scènes à personnages dominent.
Seules les toiles à personnages, dont les toiles de Jouy sont les plus célèbres représentantes, ont une destination exclusive de tissu d’ameublement. Le plus souvent monochromes, ces cotonnades, chefs-d’oeuvre de composition, présentent des scènes allégoriques, historiques, littéraires ou familières, qu’un traitement en perspective, des modelés d’ombre et de lumières, placent dans un espace à trois dimensions. Le secret de leur finesse d’exécution réside dans leur technique d’impression : la plaque de cuivre.